
Forexpo
Sécurité affûtée
Forexpo, le salon européen de la sylviculture et de l’exploitation forestière, organisé du 22 au 24 septembre au cœur de la forêt de Mimizan, a donné une bouffée de senteurs de pins des Landes aux milliers de visiteurs frustrés par le report de l’édition 2020. Les MSA de Nouvelle-Aquitaine y ont remis leur 9e Trophée sécurité en consacrant une ingénieuse canne à planter. Visite et palmarès.
En 2016, ils s’étaient dit rendez-vous dans quatre ans. Même jour, même heure, même forêt. Raté ! La crise sanitaire en a décidé autrement et a bouleversé l’agenda des milliers de visiteurs professionnels ou amateurs éclairés qui arpentent traditionnellement les allées de Forexpo, un événement quadriennal consacré à la filière bois, de la graine à la grume.
23 361 visiteurs
Forexpo 2021
Le plus grand salon forestier du Sud de l’Europe – qui devait initialement ouvrir ses portes en juin 2020 – a été reporté une première fois en juin 2021 puis repoussé à la rentrée. Le 22 septembre, les organisateurs ont poussé un « ouf » de soulagement qui a résonné dans toute la forêt landaise lorsque le premier des 23 361 visiteurs a scanné son passe sanitaire à l’entrée, le sésame pour profiter des innovations et démonstrations des 379 exposants venus de 23 pays. Les conditions d’accueil en extérieur ont permis de respecter les prescriptions sanitaires, même si les conférences sous tente ont dû être annulées.
440 000 emplois en France
Cette 26e édition était placée sous le thème de la formation et des métiers du bois, qui représentent 440 000 emplois en France, dont 4 000 à pourvoir rien qu’en Nouvelle-Aquitaine. Comme un démenti aux difficultés de recrutement et au manque d’attrait de la filière pour la jeune génération, dans les allées du salon, les élèves de maisons familiales rurales (MFR), de lycées forestiers et d’écoles d’ingénieurs étaient très présents. À l’image d’Émilien, 16 ans, en bac pro forêt à la MFR de Javols à Peyre-en-Aubrac, en Lozère, qui hésite encore entre les métiers de bûcheron, de paysagiste ou d’élagueur. Quand nous le croisons, il tente de déplacer un tronc aux manettes d’un simulateur d’abatteuse. Une belle machine de plusieurs dizaines de milliers d’euros destinée à l’apprentissage du pilotage de ces géants des forêts.
« Grâce à la technologie d’immersion, on copie-colle le plus possible le comportement de l’outil en situation réelle pour que le cerveau soit trompé et finisse par ne plus faire la différence », explique Logan Godefroy, responsable commercial France de Tenstar simulation, une société spécialisée dans la conception de ce type d’équipement.
Alexandre, Paul et Valentin, 24, 22 et 23 ans, sont surpris par la facilité d’utilisation du simulateur qu’ils pilotent pour la première fois. Élèves à l’école des sciences & technologies du bois et des matériaux biosourcés (ESB) à Nantes, ils se destinent à des carrières d’ingénieurs avec une spécialisation commercialisation des produits forestiers. « C’est encore mieux que Farming Simulator. C’est impressionnant de réalisme », s’enthousiasme le plus jeune, adepte du jeu vidéo agricole.
Non loin de là, Anaïs, 24 ans, ancienne militaire de carrière devenue gestionnaire forestière après une reconversion, s’essaie à un concours de découpe à la tronçonneuse. Quand on lui demande s’il est aisé pour une femme de s’imposer dans ce milieu encore essentiellement masculin, elle n’hésite pas une seconde. « Très facile. Je dirais même que mes confrères sont contents d’en croiser. »
Hommes, femmes, jeunes ou plus anciens, ils ont un point commun, ils sont tous venus voir les “grosses machines”, la vraie valeur ajoutée du salon. Ces mastodontes capables de battre en duel des arbres de plusieurs dizaines de mètres de haut font tourner les têtes de ces amoureux des bois. Comme celle de Jean-Claude, bûcheron dans l’Est de la France depuis vingt-cinq ans, venu profiter des plages de Mimizan et de Forexpo. Sa chouchoute est une abatteuse équipée de huit roues qui limitent le tassement des sols.
Soigner la forêt
L’édition du salon restera marquée également par la présence d’un drone géant de 250 kg destiné à réparer la forêt : un outil volant XXL, dénommé le « R Cosmo », développé par la société girondine Argefo qui, en alternative vertueuse et économique à l’hélicoptère, est capable de couvrir 150 000 hectares de terrain boisés et de localiser pour les circonscrire les zones infestées par des nuisibles, comme les nématodes [petits vers ronds]. Un véritable défi pour les forestiers dans les années à venir aux prises avec le réchauffement climatique.
Une filière qui est aussi attendue au tournant sur de nombreux sujets sociétaux vitaux pour la planète comme la capture du CO2 et la croissance verte. Elle a pour cela quelques beaux arguments à faire valoir. Pour un kilo de matière produite, le bois consomme quatre fois moins d’énergie que le béton et 60 fois moins que l’acier.
La prochaine édition de Forexpo se déroulera en 2025. Le 24 septembre au soir, ils se sont dit rendez-vous dans quatre ans, même jour, même heure, mais peut-être dans une autre forêt de Nouvelle-Aquitaine.
Palme décernée à la canne à planter

La MSA s’est vu confier une nouvelle fois l’organisation de la 9e édition du Trophée sécurité qui récompense, parmi les candidats et exposants du salon, ceux qui se distinguent par l’aspect innovant des matériels, produits et concepts en matière de conditions de travail, d’ergonomie et de sécurité.
Synonyme de «label innovation» pour les acheteurs, c’est un outil de promotion pour les exposants qui l’utilisent afin de valoriser leurs produits. Le premier prix a été remis par Vincent Dorlanne, président du syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest et de Forexpo, à la Landaise Bordeaux industrie pour sa canne à planter nouvelle génération, en présence de Chantal Gonthier, présidente de la MSA Sud Aquitaine.
« Notre entreprise, née en 1994, est, au départ, spécialisée dans le débroussailleur landais. Nous nous diversifions aujourd’hui dans les outils de plantation en remettant les opérateurs-planteurs au cœur du système », explique Loïc Cotten, directeur du développement d’Alliance Forêts Bois, premier groupe coopératif forestier de France et directeur général de la Landaise Bordeaux industrie.
Cette canne professionnelle donne la possibilité de travailler des deux mains alors que les outils actuellement commercialisés sont essentiellement conçus pour les droitiers, oubliant au passage environ un cinquième de la population. « C’est important pour nous de pouvoir améliorer les conditions de travail des opérateurs qui sont aujourd’hui un maillon primordial en forêt. C’est pour cela que nous avons travaillé avec de nombreux partenaires pour développer ce nouvel outil en partant de leurs besoins, sur différents massifs forestiers », explique Fabrice Barral, le président de la Landaise Bordeaux Industrie.
« Deux élèves ingénieurs ergonomes ont travaillé, grâce à un partenariat entre la MSA de Franche-Comté et l’université de Belfort-Montbéliard (UTBM), à l’évaluation du prototype en proposant des pistes d’amélioration adaptées au contexte des forêts de l’est, qui se caractérisent notamment par un sol moins souple et des essences nécessitant des godets à planter plus gros, explique Damien François, responsable technique à la coopérative Forêts et Bois de l’Est (F&BE). Notre objectif est de réorganiser l’ensemble de notre activité de plantation et notamment de coupler autant que faire se peut la préparation du sol des chantiers avec l’utilisation de cette canne à planter nouvelle version. À l’avenir, cette tâche devrait donc être moins contraignante pour la santé des opérateurs. »
« La démarche participative d’amélioration des conditions de travail avec la forte implication des salariés et la prise en compte des besoins réels des opérateurs de l’outil proposé en trois tailles pour s’adapter à la morphologie de chacun, a convaincu le jury, explique Joël Donadi, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA Gironde, et cheville ouvrière du trophée. L’implication d’étudiants ergonomes dans le projet, la légèreté du tube carbone et son caractère ambidextre, unique sur le marché, lui ont également permis de marquer des points. Nous avons aussi apprécié le fait qu’il soit entièrement démontable, avec la possibilité de changer les pièces d’usure alors qu’avant il s’agissait d’un outil jetable. »

Trophée Sécurité : le palmarès 2021
- 1er prix : La Landaise Bordeaux Industrie (canne à planter).
- 1re citation : Vallorbe Swiss (affûteuse automatique).
- 2e citation : Idig (boîtier de contrôle en cabine).
- Encouragements : Solidur (pantalon de sécurité).
Philippe Tastet, ouvrier de plantation, et Loïc Cotten, directeur du développement d’Alliance Forêt Bois, présentent leur canne à planter nouvelle génération.
Un stand commun Nouvelle-Aquitaine

Les quatre caisses MSA de Nouvelle-Aquitaine (Gironde, Dordogne-Lot-et-Garonne, Sud Aquitaine et Limousin) ont fait stand commun avec une partie consacrée à la prévention des risques professionnels et une autre à la santé au travail. Des conseillers en protection sociale étaient également mobilisés pour répondre à toutes les questions des adhérents. Au cœur du dispositif : le risque « machine », avec la présence d’une abatteuse sur le stand afin d’échanger avec les visiteurs sur les risques en affûtage. « Nous avons récemment connu localement un accident grave lié à cette activité, déplore Lynda Lavelle, responsable du pôle prévention des risques professionnels à la MSA Sud-Aquitaine. Certains forestiers gardent la machine en suspension pendant l’opération, ce qu’il ne faut absolument pas faire à cause des risques d’écrasement et de jets de fluides. »
L’accent a également été mis sur l’accompagnement à l’évaluation du risque chimique, l’importance du port d’équipement de protection individuelle adapté, ainsi que la prévention des zoonoses (maladie de Lyme, chenille processionnaire), les piqûres d’hyménoptères (guêpes, abeilles, frelons…) tout en rappelant l’importance d’une bonne hydratation et du port de lunettes de soleil. Sans oublier de continuer à appliquer le gestes barrières pour prévenir le Covid-19, en particulier pour les opérateurs qui partagent une machine avec d’autres collègues. Les professionnels de la prévention ont également relayé l’application pour smartphone recensant les points de rencontre en forêt, qui permet de sauver des vies en cas d’accidents dans des zones difficiles d’accès.
Le conseil d’Estelle Wolffer, infirmière du travail à la MSA Sud Aquitaine, qui vaut dans tous les cas : « Accepter de se donner quelques secondes de réflexion avant de faire les choses car cela évite souvent les accidents qui se produisent parce qu’on a voulu gagner cinq secondes. »
Grâce à la présence d’une abatteuse sur le stand MSA, les conseillers en prévention échangent avec les visiteurs sur les risques en affûtage.