
Interview croisée
Les élus, témoins actifs de leur territoire
Du 20 au 31 janvier 2020, plus de 2,5 millions ressortissants du régime agricole sont appelés à voter pour élire plus de 15.000 délégués. Voter, c’est affirmer son attachement à la MSA mais aussi donner consistance et force aux revendications portées par ses élus. Le poids de ce scrutin est dans les mains des électeurs. Pascal Cormery, président de la MSA, et Thierry Manten, premier vice-président, nous en parlent.
Le monde agricole est appelé à renouveler ses représentants à la MSA. Pourquoi est-il important de voter ?
Pascal Cormery : Notre profession est la seule à bénéficier d’un système de sécurité sociale complet et se démarque par son organisation originale. Pas question que le pouvoir s’exerce totalement d’en haut : la responsabilité démocratique est notre moteur grâce à l’existence d’un modèle participatif, apte à s’emparer des attentes sociales et sociétales. Celui-ci facilite notamment les relations avec les assurés en cas de crises, qui secouent régulièrement le monde agricole.
Pour cela, il propose notamment aux salariés et aux non-salariés un accompagnement social et psychologique afin de prévenir ou lutter contre le mal-être. Il assure par ailleurs des services pour la prévention des risques professionnels, offrant un diagnostic aux entreprises et à leurs salariés. Et ses actions vont bien au-delà : lutte contre l’isolement et la perte d’autonomie des personnes âgées, soutien des aidants, animation du milieu rural…
Thierry Manten : La MSA est le deuxième régime de protection sociale, avec des délégués répartis en trois collèges représentatifs de toutes les composantes et de la diversité du monde agricole : exploitants, salariés, employeurs de main-d’œuvre. Pour moi, la possibilité de voter offre l’occasion de défendre le modèle et les valeurs de notre guichet unique, véritable spécificité de notre régime. Au travers de celui-ci, la MSA dispose d’une vision globale de la situation de chacun. Elle a aussi une approche beaucoup plus humaine. Ce modèle démocratique unique, il faut le conserver. Aux assurés de s’en saisir et de le défendre.
Quelle plus-value les élus apportent-ils ?
P.C. : Ce sont des bénévoles, engagés sur leur territoire de vie au service de leurs pairs. Ils sont à l’origine de réalisations dans toutes les domaines : en faveur des personnes âgées, des professionnels de l’agriculture grâce à des actions de prévention santé et de prévention des risques, mais aussi en direction des familles, des jeunes… Rôle également à ne pas négliger en cette période d’incertitudes et d’inquiétudes : la détection des personnes en difficulté.
Dans le paysage d’une protection sociale en permanente évolution, dans un monde en quête de repères et relais, la compétence des élus et leur connaissance du terrain sont de nature à rassurer. Ceux-ci sont entièrement dévolus à notre politique de proximité et constituent l’identité de la MSA.
T.M. : Avec des délégués dans chaque canton, le point fort de notre organisation est la proximité. Vigies sur les territoires, ils font remonter les problèmes et les situations difficiles, que ceux-ci concernent des non-salariés ou des salariés. Car si l’activité d’un exploitant décline, il aura moins recours à l’emploi, ce qui affectera directement les salariés. Il est essentiel de raisonner pour l’agriculture dans sa globalité.
Tous ces délégués sont des relais de nos actions sur les territoires ruraux et sont à même d’aiguiller les assurés vers les bons interlocuteurs dans leur MSA. Ceux qui, parmi eux, ont été élus administrateurs, sont aussi des relais d’influence ; lors de rencontres avec les préfets, parlementaires, décideurs locaux et avec les autres acteurs du monde agricole et de la protection sociale, ils ont l’opportunité de de faire connaître nos positions et nos demandes ainsi que l’étendue des initiatives et réalisations de la MSA.
Au niveau national, comment et sur quoi les élus de la MSA peuvent-ils intervenir ?
P.C. : Sur des propositions de réglementation. Ils travaillent au sein des comités de protection sociale des salariés et des non-salariés, du comité d’action sanitaire et sociale. Ils entrent également en relation avec les parlementaires, les cabinets ministériels pour argumenter en faveur des mesures bénéfiques pour le monde agricole. Illustration concrète des avancées que nous avons pu obtenir à l’occasion de ce mandat : l’aménagement du congé maternité des exploitantes agricoles avec la suppression de la CSG et de la CRDS sur le montant de l’allocation de remplacement et la possibilité de bénéficier, lorsqu’un remplaçant n’a pas été trouvé, d’une indemnité journalière, au même titre que les salariées et les autres travailleuses indépendantes.
Sur le plan de la protection sociale, même si on trouve que cela ne va jamais assez vite, les choses évoluent. Nous sommes en relation étroite avec les ministères de l’Agriculture, des Solidarités et de la Santé, de la Cohésion des Territoires… une porte d’entrée importante pour améliorer la couverture sociale et la vie sur les territoires ruraux.
T.M. : Grâce aux propositions que nous portons, nous obtenons des avancées. Par exemple la possibilité pour les étudiants de rester affiliés au régime obligatoire d’assurance maladie de leurs parents, la baisse de trois points de la cotisation famille importante pour le portefeuille des ménages. Pour les retraités ayant une carrière complète, l’augmentation de la pension à 75 % du Smic, même si ce n’est pas suffisant. Autre point essentiel pour la profession : les mesures d’urgence accordées pour soutenir les exploitants frappés par les crises, ce qu’on ne voit pas dans le régime général.
En matière de protection sociale agricole, qu’auront à défendre les élus demain ?
P.C. : Le sujet brûlant des retraites est bien entendu à suivre. Vu la conjoncture économique, climatique, il me semble essentiel de renforcer encore l’accompagnement que nous mettons en œuvre pour les assurés les plus fragiles. Autre ligne directrice : le soutien à l’emploi en agriculture – qui a d’ailleurs été le fil rouge de notre dernière Journée nationale en octobre à Strasbourg – avec l’engagement de nous mobiliser sur la simplification des formalités administratives des employeurs. L’obtention d’un équivalent du Cesu (chèque emploi service universel) pour le régime agricole irait dans ce sens. Le dossier lié aux produits phytosanitaires ne doit pas non plus être occulté.
T.M. : Il faudra négocier au mieux la convention d’objectifs et de gestion pour que s’arrête le circuit infernal de diminution des effectifs et des moyens financiers qui frappe la MSA. En effet, nous ne pourrons plus assurer un travail de qualité si ces réductions se poursuivent, d’autant que l’État nous confie des activités nouvelles. À ce titre, il convient de saluer le travail des collaborateurs MSA qui font preuve d’une grande capacité de s’adapter aux changements.
Mettre en place le plan stratégique MSA 2025, feuille de route politique adoptée par notre dernière assemblée générale pour garantir un service de qualité et l’accès à la protection sociale sur tous les territoires ruraux, développer des activités en complément de la mission de base du régime agricole.
Avec des effectifs contraints, nous allons continuer à maintenir notre présence sur les territoires et voulons y rester un acteur incontournable. C’est une volonté forte de la MSA et nous nous y investissons totalement. La meilleure illustration en est notre implication dans les Maisons France Services. Qui mieux que la MSA peut assurer l’accueil de toutes les populations : elle maîtrise l’ensemble de la législation en matière de protection sociale.
Un message particulier par rapport à la prochaine échéance électorale ?
P.C. : La mobilisation et le vote, pour être écoutés et ainsi prendre part aux décisions concernant la protection sociale agricole ! La MSA jour un rôle important sur les territoires ruraux. Ce n’est pas uniquement un organisme qui collecte des cotisations ; elle apporte aide humaine et financière aux populations agricoles, salariées et non-salariées. Elle reste un interlocuteur privilégié incontournable dans les moments les plus difficiles et peut apporter information et services à l’ensemble de la population du monde rural. Avec sa présence affichée sur les territoires, elle reste un acteur social de premier plan.
T.M. : Une participation massive démontrera l’attachement des assurés agricoles à leur modèle de protection sociale. Et plus les votes seront nombreux, plus les pouvoirs publics prendront nos attentes et nos arguments en compte.