Agriculture et alimentation
Un monde en transitions
Toutes les caisses, représentées par leurs élus, non-salariés et salariés, et leurs directeurs, ont pris part à Biarritz aux Journées nationales consacrées cette année à la thématique de la reconquête de la souveraineté alimentaire. Plantons le décor.
La violente secousse causée par l’épidémie de Covid-19 a remis à l’ordre du jour la nécessité et l’exigence de produire sur le territoire la nourriture nécessaire à la population. Un défi qui doit être relevé tout en prenant en compte les attentes sociétales et les préoccupations environnementales, même si l’évolution se heurte au temps long des transitions dans le monde agricole.
Pour faire le point sur cette question d’actualité aux multiples contours, une réflexion lancée depuis un an a réuni 53 élus et salariés de 28 MSA, dans le cadre de groupes de travail, qui ont préparé les Journées nationales 2021. Celles-ci ont rassemblé 400 participants à Biarritz, accueillis par Chantal Gonthier, présidente de la MSA Sud Aquitaine, et les équipes de la caisse.
Côté politique, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a adressé un message vidéo diffusé en ouverture de l’événement, et Véronique Hammerer, députée de la Gironde, est intervenue plus tard en tribune (extraits ci-dessous).
Quatre tables rondes
Pour que les dirigeants du réseau puissent s’emparer des enjeux à venir, quatre tables rondes ont permis de partager le regard d’experts extérieurs, deux orientées sur le volet alimentaire (permettre l’accès de tous à une alimentation saine, durable et locale, et éduquer au bien manger), deux sur le volet agricole (transition agroécologique et relève des agriculteurs). Les différents groupes de travail avaient planché en amont sur chacun de ces thèmes afin de songer à des actions sur lesquelles la MSA pourrait s’engager, et de mieux exploiter et valoriser ses initiatives déjà existantes (éclairages et propositions dans ce dossier).
Préoccupation grandissante sur la relève en agriculture
Pour Pascal Cormery, président de la CCMSA, le régime de protection sociale agricole est au cœur du sujet, notamment en tant qu’acteur de santé publique et de santé-sécurité au travail. Face aux discours sur l’innovation, la robotique, la génétique…, il a souligné que « ce sont bien des éléments indispensables, mais c’est de la technique. L’important, c’est l’humain ». D’autant que la question de l’emploi en agriculture est un enjeu majeur entre un besoin criant de salariés compétents et une préoccupation grandissante sur le renouvellement des générations : « 50 à 60 % des agriculteurs vont arrêter l’activité pour départ à la retraite. Il faut aussi qu’il y ait corrélation entre investissement et revenu, ce n’est pas le cas aujourd’hui. »
Thierry Manten, premier vice-président, a quant à lui salué l’idée évoquée lors de la table ronde sur la relève en agriculture « de créer un réseau d’élus référents installation/transmission ». Il a aussi affirmé qu’« il n’y a pas d’agriculteurs sans salariés. On aura un besoin croissant de main-d’œuvre qu’on a aujourd’hui du mal à trouver. Il faut des emplois plus attractifs, du point de vue des conditions de travail et de rémunération ».
En conclusion de ces journées, François-Emmanuel Blanc a ajouté que « la MSA est un acteur du plan agricole français, de la souveraineté agricole française. Dans ce contexte, travailler précisément sur les besoins des agriculteurs et des salariés est une nécessité. Ceux qu’on peut identifier sont : informer des aides qui peuvent être dispensées ; informer des projets sur les territoires comme les projets alimentaires territoriaux (PAT) ; accompagner les étapes de la transition agroécologique dans l’évaluation de l’ensemble des impacts humains, organisationnels, économiques ; pouvoir échanger avec l’ensemble des acteurs concernés. La MSA, si elle le veut, a toute légitimité pour se positionner en réponse à ces quatre besoins. »
Julien Denormandie : « Permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail »
Être souverain, cela nécessite d’abord de permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail. On est souvent agriculteur par passion, mais la passion ne peut pas tout et elle ne peut pas se substituer à la rémunération. Or, la rémunération, nous le savons tous, n’est pas à la hauteur aujourd’hui à laquelle elle devrait être. C’est pour cela d’ailleurs que nous avons remis l’ouvrage sur le métier avec la loi Egalim 2, dont les décrets d’application viennent d’être publiés.
Être souverain, c’est aussi sortir de nos dépendances. Un exemple : celui de notre dépendance aux protéines végétales venant du continent Sud-américain. C’est pour lutter contre cette dépendance que l’on investit plus de 120 millions d’euros dans le cadre du plan France relance […].
Être souverain, c’est également s’adapter face aux changements climatiques et je souhaite là encore remercier la mobilisation sans faille de la MSA dans la gestion des crises actuelles que notre agriculture traverse. Je pense par exemple au gel du mois d’avril. La réponse forte que nous avons mise en œuvre collectivement après ces épisodes au printemps, nous la devons aussi à vos équipes. […]
Enfin, dernier point, être souverain, c’est assurer le renouvellement des générations. Cela passe par des réponses concrètes aux questions liées à la rémunération et à l’adaptation aux changements climatiques ; cela passe aussi par l’attractivité de nos métiers. C’est ce que nous faisons avec la campagne «Entrepreneurs du vivant» […]. Attirer de nouvelles générations, c’est aussi assurer des équilibres de vie absolument essentiels. Le gouvernement s’est fortement engagé sur ce point avec, par exemple, l’allongement du congé paternité et d’accueil de l’enfant. […] C’est enfin la question de la transmission. […]
Véronique Hammerer : « Une compétence indéniable en ingénierie de projets »
Si je porte la voix de la MSA c’est parce qu’elle fait preuve d’une compétence indéniable en ingénierie de projets et qu’elle porte quelque chose qui m’est très cher : le développement social local. Quand j’essaie de parler de méthodes à certains cabinets ou hauts fonctionnaires, je parle chinois et c’est particulièrement désolant. La connaissance du terrain, le maillage territorial local et une connaissance accrue des acteurs sur un secteur donné, il y a bien longtemps que la MSA les pratique. Il n’est pas rare que les premiers informés d’une situation sociale difficile soient les élus de la MSA parce qu’un agriculteur, souvent pudique, a du mal à parler. Un agriculteur se livrera plus facilement à un de ses pairs qu’à un inconnu.
Ce rôle de courroie de transmission joué par les élus cantonaux de la MSA et animé par les conseillers, parfois les travailleurs sociaux, n’est pas simple, n’est pas suffisamment reconnu, tant la valeur de la présence sur le terrain est essentielle. Ce tandem entre élus et professionnels sociaux est également exemplaire ; une efficacité à revendiquer. Vous m’avez comprise, le modèle de la MSA représente pour moi une organisation particulièrement efficace dans les territoires ruraux, qu’il faut défendre, car souvent non comprise. J’ai rapidement évoqué ici votre capacité d’action mais aussi nous voulons souligner cette volonté de construire les projets de demain en prenant le temps de l’échange et de la réflexion. […]
Ces journées nationales en sont un très bon exemple, et ce à travers les différences tables rondes où la question du « comment moi, agriculteur, salarié agricole, élu, cadre dirigeant, agent, je peux être acteur et participer à la réponse d’une question sociétale sur notre souveraineté alimentaire et garantir le mieux manger, tout en préservant notre agriculture et notre santé ? ». […]
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